Mathieu Delahousse :
retour sur le tournage de la série "Disparition inquiétante"

Mathieu Delahousse, président et fondateur de SECOYA éco-tournage

Accompagnement de la société de production De Caelis lors du tournage de la série "Disparition inquiétante" à Strasbourg (67)

"Il faut prendre les sociétés de production par la main, les accompagner et les conseiller dans chacune de leur démarche."


"Si le tournage est le point qui cristallise la démarche, il n’est pas la partie la plus importante du projet, le développement et la distribution durent parfois des années. Mais lors du tournage, les besoins sont importants, en matière de déplacements, d’alimentation, de fabrication de costumes et de décors… Autant de postes de pollution que de leviers d’action. De la même manière que chez soi on peut consommer autrement, il faut se poser des questions à chaque étape, pour chaque métier.

Appliquer l’éco-responsabilité, c’est penser une production comme une démarche globale, depuis le financement et l’écriture du scénario, jusqu’à sortie en salle, en DVD ou sur plateforme de streaming du film. C’est un changement dans la façon de faire. Un personnage qui doit aller de Marseille à Paris, qu’il prenne le train ou l’avion, le moyen de transport en soi ne transforme pas l’histoire mais transmet en filigrane un message au public. Idem pour un personnage qui jette un papier dans la rue, pourquoi pas dans une poubelle de tri ? Il faut une cohérence, une éthique.

L’accompagnement des productions s’appuie sur notre expérience dans le milieu. J’ai été régisseur pendant 20 ans, et mon associé a exercé le métier 10 ans durant. Après avoir vu le film Demain de Cyril Dion, ce fut le déclic, nous avons créé Secoya. Les outils de sensibilisation existaient déjà : ceux d’Ecoprod. Mais après 10 ans d’existence, le système ne changeait toujours pas. Il ne suffit pas de dire ce qu’il faut faire, il faut prendre les sociétés de production par la main, les accompagner et les conseiller dans chacune de leur démarche pour que cela avance. Nous ne démarchons pas les productions, ce sont elles qui nous sollicitent parce qu’elles ont déjà la volonté d’agir.

Notre travail se décompose en deux temps. D’abord l’éco-manager cherche et étudie les solutions locales pour l’approvisionnement en ressources, la réduction des déchets, le recyclage. L’éco-manager échange aussi avec les administrations et les autorités pour les sensibiliser à la démarche. Un film éco-responsable profite davantage au territoire puisqu’il s’agit de privilégier les opportunités locales, les entreprises sociales et solidaires du coin, les startups qui ont davantage de capitaux que des grands groupes nationaux ou multinationaux.

Ensuite, un éco-assistant est présent au jour le jour sur le tournage. Il vérifie le bon déroulement de la démarche, il est le référent au quotidien pour toutes les questions pratiques, du choix d’une marque de lessive au tri sélectif. Il s’agit de faire de la pédagogie douce, sans être ni démagogue ni donneur de leçon et encore moins militant ou activiste.

Pour le tournage de l’épisode 2 de "Disparition inquiétante" à Strasbourg, qui a mobilisé une équipe de 40 personnes en moyenne pendant 22 jours, l’entreprise Agrivalor a collecté 418 kg de déchets organiques, qu’elle a transformé en engrais (377 kg) et biogaz (65 m3). Une coopérative de producteurs locaux a alimenté la cantine, une filière a été trouvée pour le recyclage des papiers et cartons, et même pour les mégots, transformés en isolant thermique. Le gobelets et bouteilles ont été remplacés par des gourdes, le café en grains a été privilégié aux capsules. Parce qu’un tournage exemplaire va convaincre, d’autres productions s’engageront et, progressivement, l’impact écologique de la filière diminuera."

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